jeudi 24 novembre 2022

Dys et écriture


 Bonjour,
  
Récemment, une de mes collègues de travail me disait qu'il fallait que je fasse un peu plus d'effort quand j'écrivais mes mails. Fatiguée, je les ai rarement relus, et quand je le faisais, je ne voyais pas les fautes dedans. Le truc, c'est que ça, ça a un peu le don de m'énerver. Déjà parce que je n'aime pas envoyer de mail avec des fautes, ensuite parce que je sais que si je m'étais relue, j'aurais quand même pu en voir. Pas toutes, mais au moins les fautes de conjugaisons. Parce que, si je fais ces fautes là, c'est à cause de la dysorthographie  et la dyslexie phonologique dont je souffre depuis que je suis enfant.



Mon vécu


J'ai été diagnostiqué en maternelle. A l'époque, c'était finalement assez rare, il me semble (ou alors on n'en parlait pas, c'était au début des années 90). J'avais des difficultés à lire convenablement alors même que je lisais déjà beaucoup (alors, oui, on va pas être à une anomalie prés dans mon discours, j'ai su et aimé lire très jeune même si j'avais du mal à le faire comme il faut). A vrai dire, je me demande encore comment mes parents et mes institutrices de l'époque s'en sont rendu compte. J'étais trop jeune pour m'en souvenir. Il est d'ailleurs possible que se soit l'orthophoniste elle-même qui s'en soit rendu compte quand ma mère m'y a amené pour que j'arrête de zozoter. A vrai dire, avec le recul, je pense fortement que le fameux zozotement était là pour cacher le fait que je ne savais pas prononcer les bons sons. Pourquoi je dis ça ? Parce que depuis toute petite, j'ai mis en place des solutions d'évitement pour ne pas avoir à prononcer les mots qui me posent réellement problème (je ne dis presque jamais gâteau et cadeau par exemple). J'ai donc fait beaucoup d'orthophoniste et mit en place mes propres solutions. Je n'aimais pas aller voir l'orthophoniste, j'aimais encore moins devoir quitter l'école plus tôt pour m'y rendre.  Ça a duré deux ans. Et puis, d'un coup, je n'en ai plus eu besoin. Je ne zozotais plus, je ne confondais quasiment plus les sons. Tout le monde était content. J'avais en fait mis en place mes solutions de contournement sans que mes parents ne s'en rendent compte. Sont passées les années, je suis entrée au collège puis au lycée. Mon entourage voyait bien que ma dyslexie n'était pas "passée" mais bon, j'étais un peu vieille non pour aller à l'orthophoniste maintenant ? Nous avons donc laissé tomber avec ma famille, surtout que bon, c'était pas si gênant que ça. 

La dysorthographie, elle, est apparue plus tard et est passée complétement inaperçue. Elle s'est planquée derrière la dyslexie. Après tout, si je n'arrivais pas à prononcer correctement certains mots, il était normal que j'ai du mal à les écrire, non ? En plus de ça, j'étais bonne en dictée, tout autant en rédaction. Il suffisait que je me concentre pour y arriver. Ce n'était donc pas un problème côté scolaire. Ça ne fut pas traitée. L'on mit aussi mes problèmes d'orthographe et de conjugaison sur un possible trouble de l'attention (ceci n'a jamais été diagnostiqué, tout comme un possible HPI (et autant je suis presque sûre d'être TDAH, autant je suis bien moins certaine d'être HPI, n'en déplaise à ma mère)).

Il s'est donc avéré que durant ma scolarité, on fit peu de cas de mes troubles. Après tout, j'avais de bonnes notes et rien ne se remarquait. Pour mes parents et mes professeurs, tout était OK. Pour moi, ce fut un peu plus compliqué. J'ai passé des années fatiguées non pas parce que je dormais mal (même si c'était parfois le cas), mais parce que je devais à tout moment me concentrer (là par exemple, en relisant, j'ai vu que j'avais écris "concentrait") pour ne pas faire de fautes, ni à l'oral (encore moins devant les copaines), ni à l'écrit. Quand j'ai quitté l'école, à vingt ans, j'ai un peu relâché mon attention. Ma dysorthographie est devenue un peu plus importante, ma dyslexie, quant à elle a stagné. 

A 36 ans, j'en suis donc là, ma collègue me fait remarquer que je fais des fautes que je ne devrais pas faire dès que je suis fatiguée.


Comment je m'en arrange en écriture ?

 
Et vous allez me dire, qu'est-ce que ça a à voir avec l'écriture ? En réalité, je ne me rends pas tout à fait compte de mes troubles quand j'écris, surtout sur le premier jet. Alors, oui, parfois, je vais bloquer durant plusieurs minutes pour savoir comment s'écrit un mot parce que je n'arrive déjà pas à le prononcer comme il faut dans ma tête. Je suis ravie qu'il existe internet et que lui comprend à peu prés ce que je lui demande (hier, j'ai bloqué sur solennellement, voilà voilà)(à savoir que sur le coup, j'ai donc écrit sonalellement, c'est ça aussi être dys)(et puis j'ai changé de mot et finalement, comme je n'aime pas ne pas savoir un truc, j'ai persévéré). Faire des fautes d'orthographes ou de conjugaison sur un premier jet n'est pas pour moi pas un problème puisque je sais que va arriver l'étape correction.

L'étape correction devient souvent une petite torture. Je remercie une fois encore les aides qu'offrent la technologie : le correcteur de LibreOffice et Grammalecte. Alors, oui, ça ne fait pas tout, soyons d'accord. Ça n'aurait pas trouvé mon fameux solennellement par exemple mais ça m'a déjà permis de voir que non rendre ne s'écrit rentre (et inversement). Je dois me concentrer et relire plusieurs fois pour me rendre compte que j'ai fait une erreur. Avec le temps, je sais sur quoi je dois insister et de quelle manière le faire (par exemple, je vais mieux repérer les fautes en changeant la police d'écriture ou en passant d'un support à un autre). 
 
La correction, à cause de ça, a été longtemps ma bête noire. Je ne voulais pas y passer à cause des fautes que me fait faire ma dyslexie et ma dysorthographie. Il m'a fallut longtemps pour comprendre que mes premiers jets ne pouvaient pas être parfait dès le départ (et ça même si j'ai toujours écrit mes rédactions sans faire de brouillon). Parce qu'en réalité, c'est ça qui bloque. Pas les fautes, vu que tout le monde en fait, mais bien la perfection non atteinte (du moins chez moi). Avec le temps, j'ai appris à faire de cette étape quelque chose de plus sympathiques parce que j'ai appris à écrire sans vouloir la perfection. Oui, quand je ne trouve pas comment s'écrit solennel (il m'aura marqué lui), je reformule. Comme je peux le faire à l'oral quand je dois mettre cadeau et gâteau dans la même phrase (exemple : Oh, tu as mis les présents autour du "nom du gâteau").

Pourtant, si maintenant je corrige mes textes (ce que je n'ai pas fait pendant longtemps parce que la honte de voir mes fautes), je continue à ressentir une certaine gêne à les faire lire par d'autres. Parce que je sais que je n'ai pas tout vu, parce qu'il reste des erreurs (j'ai trouvé un "grevé" à la place de "crever" récemment sur un texte sur lequel je suis pourtant passée plusieurs fois). C'est malheureusement une des raisons qui font que cela fait des mois que je retarde ne serait-ce que l'idée d'auto-publier certains de mes romans (imaginez alors l'envoyer à un éditeur...).
 
Si j'écris tout ça, c'est parce que je sais que je ne suis pas la seule autrice à souffrir de trouble dys. Les miens sont minimes et bien cachés la plupart du temps. Du moins, en public. Je doute bien souvent de ce que j'écris, de comment je peux l'écrire. Mais j'écris quand même, parce que j'aime ça. Avec des fautes ou pas. J'espère vraiment que les personnes avec trouble dys qui n'osent pas écrire finiront par le faire, surtout si ça fait parti de leur rêve/passion.


Photo by Jason Leung on Unsplash

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